Je viens de lire, dans le Monde, une interview de Frank Frommer, auteur de La Pensée Powerpoint, paru récemment aux éditions La Découverte. Ce livre est sous-titré « Enquête sur ce logiciel qui rend stupide ». L’auteur y défend la thèse selon laquelle l’utilisation du logiciel de Microsoft (ou de ses équivalents comme Keynote ou Open Office Impress) formaterait la pensée dans une logique simplificatrice. Pas d’accord !
Powerpoint ne rend pas stupide. En revanche, il ne rend pas intelligent non plus 🙂
J’anime régulièrement des séminaires de communication orale pour des managers et consultants, grands utilisateurs de Powerpoint devant l’Eternel. Et je partage donc avec Frank Frommer, le constat que Powerpoint est souvent mal utilisé, c’est à dire pas utilisé comme un « support » (au sens anglais de soutien, aide) à la présentation.
Trop fréquemment, on utilise ce logiciel comme un bloc-notes (« je fais mes slides dans l’ordre où je réfléchis, ça m’aide à construire mon raisonnement »), un aide-mémoire de l’orateur (« je mets dans mes slides tout ce que je dois dire »), une justification de la masse de travail accompli (« j’ai une présentation de 85 slides pour débuter la discussion »), ou enfin comme pseudo compte-rendu de la réunion (« Nous enverrons les slides à ceux qui n’ont pas pu être présents »).
Ces utilisations « détournées » ont en commun le fait d’oublier l’auditoire, et de révéler une « communication » essentiellement centrée sur soi, en aucun cas une volonté d’échange ou de construction avec ceux qui nous écoutent.
En revanche, là où je ne partage pas l’avis de Frommer, c’est quand il assimile l’utilisation de l’outil et la pensée de celui qui l’utilise. Ainsi, l’invocation de l’utilisation de Powerpoint par Colin Powell pour justifier l’intervention en Irak est totalement manipulatrice : ce n’est pas Powerpoint qui a fait le raisonnement stratégico-diplomatique américain !! Et si les slides étaient mauvais ou imparfaits, que faisaient ceux qui devaient voter ? Qu’est-ce qui les a empêchés de poser les bonnes questions ? Ne refaisons pas ce débat-là, mais ne confondons pas le contenant et le contenu !
C’est le principal reproche que je ferais à ce discours anti-Powerpoint. Interdit-on la voiture au motif qu’il y a des accidents ? Non ! En revanche, pour prévenir les accidents, on contraint l’utilisation et on forme les utilisateurs. Donc, s’il est bien de mettre en avant des utilisations nuisibles des logiciels de présentation, il me paraît surtout nécessaire de promouvoir leur bonne utilisation par deux leviers :
- l’exemplarité des dirigeants : comment se comporte votre chef dans une réunion qu’il/elle anime ? Privilégie-t-il/elle le contenu ou le contenant ? Ses slides sont-ils lisibles ou indigestes ? Elude-t-il/elle vos questions ou les prend-il en compte ? Et comment réagit-il/elle si quelqu’un présente des slides creux ou trop remplis ?
- la formation au contenu : arrêtons de former les managers à la technique, formons-les à la réflexion.
Avant de préparer une présentation, je ferme mon ordinateur pendant une-demi heure et je me pose 2 questions essentielles, auxquelles je réponds par écrit, avec un crayon et un papier : 1) qu’est-ce qui doit se passer à la fin de la présentation ? et 2) quels sont les freins de mes interlocuteurs par rapport à ce résultat attendu ? (voir ici le détail). Bizarrement, quand j’ai répondu à ces questions, la préparation des slides (s’ils sont nécessaires) prend beaucoup moins de temps 🙂
Et vous, vous faites comment ?